L'échiquier politique est majoritairement occupé par 50 nuances de fachos, entre ceux qui veulent précariser les travailleurs pour lutter contre le travail clandestin des étrangers terroristes en burka, ceux qui veulent interdire la burka, mais pas le burkini dans toutes les piscines, ceux qui voudraient interdire l'islam tout court... Au final, la gauche est très ramassée et quasi-absente des médias généralistes (sauf pour dire que Sandrine Rousseau est folle).

Bonjour merci pour ce commentaire très stimulant! Nous ne connaissons pas cet ouvrage, pour le numérique nous nous appuyons principalement sur les recherches de Casilli ou des postopéraïstes comme Negri et Vercellone, merci pour la suggestion. Gorz a conscience que les loisirs dans une société capitaliste sont aliénés au système de production-consommation, il le dit dès son premier texte de 1959. Mais son hypothèse c'est que les activités autonomes, déterminées par les projets des individus, sont plus propices à se trouver en dehors de la sphère marchande privée et étatique qu'en son sein, puisque cette dernière détermine le contenu de ses activités selon ses besoins et normes et non ceux de ses agents. Quand une activité doit être lucrative et rentable, elle impose des principes et conditions aux agents. En dehors, vous pouvez mener vos activités comme bon vous semble, a minima choisir vos engagements : bien sûr, en rejoignant une association, un mouvement politique ou même un club régulier vous vous engagez un peu, on compte sur vous et d'autres contraintes peuvent se récréer, mais elles ne sont pas structurellement déterminées par leur caractère marchand et contraint. Le principe d'un contrat de travail c'est qu'on vous demande de faire quelque chose. Je ne suis pas sûre que cette analyse repose sur un principe psychologique, peut-être plutôt structurel, l'hétéro ou l'autodétermination de notre activité. Mais Gorz est un optimiste anthropologique, du fait de son existentialiste : il pense que les gens sont capables de savoir ce qui est bon pour mieux, mieux que l'Etat ou le marché, et ressentent la contrainte quand on leur impose autre chose. Pour notre définition du travail et le cas du travail numérique on en a longuement discuté ici : kzfaq.info/get/bejne/m9ZofbVn3d7DZZs.html et ici : kzfaq.info/get/bejne/l9piZcZ6trS0dqc.html Néanmoins, nous sommes d'accord qu'en l'état nos loisirs sont déterminés par l'offre et l'imaginaire capitalistes et qu'il faudrait une éducation et des moyens publics (ne serait-ce que des équipements comme les bibliothèques, centres sportifs ou artistiques) pour occuper ce temps libéré. Mais la bipartition élites / classes populaires est en fait assez caricaturale et même classiste, elle revient souvent dans les médias et je la nie systématiquement : "oui nous les gens éduqués on sait quoi faire de notre temps mais les pauvres vont rester devant la télé". C'est contredit par toute la littérature sociologique sur les classes populaires qui montre les réseaux d'entraide dans lesquels elles s'insèrent, leurs pratiques d'autoproduction ou associatives : elles savent plus bricoler et jardiner que les élites désemparées face à une perceuse ou un robinet qui fuit. Par exemple le livre La ville vue d'en bas de Rosa Bonheur montre que les personnes en dehors de l'emploi, inactives, mènent mille activités projets d'autoproduction, d'entraide, associatifs pour subvenir à leurs besoins. Vos statistiques sur l'engagement hors emploi plus important des personnes en emploi à temps plein que les personnes au chômage, à temps partiel ou inactifs, m'étonnent beaucoup, notamment parce qu'on sait que le bénévolat en France repose en grande partie sur les séniors (donc des inactifs). D'ailleurs comment mesurer cet engagement ? Vous pouvez être famille d'accueil pour des chatons à soigner sans le déclarer. Il y a certes des licences pour les clubs de sport et des cotisations pour les syndicats et associations, mais ces statistiques remontent-elles vraiment pour être collectées ? A l'inverse, suffit-il de faire un don à une association pour y être engagé ? On voit aussi comment il peut y avoir un engagement "coup de main" informel, qui doit d'ailleurs rester informel pour certains groupes de militants dont les actions peuvent être risquées. En tout cas, ce champ des activités du temps en dehors du travail reste à explorer ! Le travail associatif est de plus en plus étudié mais ce n'est qu'une partie de nos activités de temps libre. Recherches à venir!

@@meta2588 merci pour vos retours! Vos remarques méthodologiques sur la manière de mesurer l'engagement sont en effet très importantes. J'avoue que je ne sais pas ce qu'en dit Patrice Flichy. Je ne crois pas qu'il en parle dans son livre, peut être dans d'autres articles, mais ça demande en effet à être vérifié. Il n'est pas question des seniors, mais seulement des actifs, en emploi ou au chômage. Mais sur la mesure de l'activité hors-emploi, en effet, c'est un point important. Je ne trouve pas si évident de soutenir que le secteur marchand serait en soi producteur de normes, qui seraient différentes dans le non marchand. Le marchand, c'est juste un système de comptabilité des services qu'on apporte ou qu'on demande. Un tel système est toujours présent, même dans le secteur informel, simplement, cette comptabilité est informelle, justement. Un peu comme avec des proches : on ne tient pas un livre de compte, mais si quelqu'un n'aide jamais, on le lui fait savoir. Par ailleurs, les sociologues comme Flichy, justement, montrent bien qu'il y a une transition continue entre activité passion et activité rémunérée. Sur l'état de l'art en sociologie des classes populaires, ok, je vous fait confiance, je ne connais pas très bien. J'ai l'impression d'avoir lu le contraire, et que les milieux aisés avaient au contraire des réseaux de sociabilité beaucoup plus denses et que les relations informelles étaient déterminantes aussi et surtout pour eux. Mais je ne connais pas trop le champ. J'irai voir ce livre du collectif Rosa Bonheur. Merci encore!

La paresse est entendu comme le temps non productif au sens capitalisme du terme j'ai l'impression

Tout à fait c'est un vrai problème qui traverse l'oeuvre de Gorz, qu'il ne tranche pas complètement : soit il défend le droit à du temps, de l'énergie et des activités en dehors du travail au nom de leur valeur intrinsèque (position plutôt anarchiste), soit en tant qu'"autres formes travail", aussi légitimes que le travail marchand, ou même parfois au nom de leurs effets productifs et bénéfiques sur le travail marchand (position plutôt marxiste). Dans le discours anarchiste ou dans le roman de Klent, le droit à la paresse c'est le droit à faire ce qu'on veut, pas pour le marché ou pour l'Etat, mais c'est aussi légitime de "l'utiliser" que de "buller" : ça va de pair avec une déculpabilisation de la paresse.

Merci pour vos retours! C'est présent dans Métamorphoses du travail (1988) (qui est disponible en poche facilement) mais peut-être plus explicitement dans Les chemins du paradis (1983) et Misère du présent, richesse du possible (1997), qui sont trouvables sur Internet ou en bibliothèque (moins facilement en librairie en neuf) Dans la pensée anarchiste, chez Russell et Graeber par ex, il y a une réflexion sur le temps libre pour les activités créatives mais aussi sociales et politiques!

@@meta2588 Merci beaucoup

L'idéologie de B. Friot peut fonctionner tant qu'il y a du travail mais une fois que la robotique ou l'IA remplacera le travail...De plus, le "tous fonctionnaires" ce n'est pas une vision du travail qui réjouit tout le monde. Cela restreint les horizons. Pour reprendre vos propos "à la création des fonctionnaires de la Sécu.........est un acte profondément commmuniste qui s'ignore". Ignoré ? J'émets des doutes...A mon avis, pas tant que ça puisque la destruction du service public est en marche et au niveau européen on nous rappelle à l'ordre assez souvent.