De la littérature comme sport de combat (1) - Antoine Compagnon (2016-2017)

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Enseignement 2016-2017 : De la littérature comme sport de combat
Titre : Introduction
Chaire du professeur Antoine Compagnon : Littérature française moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie (2005-2020)
Cours du 3 janvier 2017.
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Le cours de cette année répond à celui de 2014 qui portait sur la « guerre littéraire » de 1914-1918, c’est-à-dire sur l’inscription de la réalité de la guerre dans les œuvres, et sur les différentes postures, souvent paradoxalement pacifiques, que l’expérience de la guerre a prescrites aux écrivains. Il s’agira cette année au contraire d’envisager la production littéraire comme lieu d’une conflictualité sui generis, tantôt sur le mode d’une détermination au combat d’idées, tantôt sur le mode d’une compétition pour la survie au sein de ce que Pierre Bourdieu, dans Les Règles de l’art, a décrit comme le « champ » littéraire. Il s’agit aussi de faire un sort à une figure rencontrée dans le cours de 2016 : celle du crochet de l’écrivain chiffonnier, mise en place par Baudelaire, et qui pouvait toujours se retourner en arme. À partir de Baudelaire et en remontant dans la modernité littéraire, on découvre une généalogie d’images : la plume-épée des Dialogues et entretiens philosophiques de Voltaire, ou la plume de fer par laquelle, bien avant l’apparition de l’objet industriel lui-même, Ronsard décrit son ambition de défense d’une France royale et catholique, dans la Continuation du Discours des misères de ce temps (1563).
La création littéraire se définit régulièrement par comparaison avec les sports de combat, et même plus généralement avec le sport, en tant que le sport a rapport au combat, c’est-à-dire à la compétition. Il y a, chez elle aussi, des championnats, des prix, la possibilité d’un dopage. Tout jeune écrivain, avertit Fontenelle, doit se préparer à entrer en lice ; Maurice Barrès lui-même, qui s’est beaucoup tenu à distance des accidents de la camaraderie littéraire, a l’impression de rejoindre un « match professionnel » au moment de rendre compte de son exploration de l’Égypte. Tous les grands écrivains du XIXe siècle, à peu d’exceptions près, se sont battus en duel, comme si ce moment de duel révélait la valeur agonistique latente de la littérature. La littérature, plutôt ou autant qu’au loisir (otium), n’aurait-elle pas rapport au negotium, au remue-ménage ? La pacification, la consolation comptent parmi ses opérations possibles, mais leur inverse paraît une tendance constitutive de la création et de l’existence littéraire.
L’abbé Irail, dans ses Querelles littéraires (1761), s’intéressait à la figure d’Archiloque, tout à la fois premier poète lyrique et premier poète satirique, qui fait de la poésie avec sa colère et son désir de vengeance. Le génie et la querelle sont liés : il n’y a pas eu de siècle de grand talent, observe-t-il, qui ne fût un siècle de grande agitation et de grande jalousie entre les écrivains. Comme dans la théorie économique de Bernard Mandeville, il semble que, dans les arts, les vices privés servent le bien général et que le florissement d’une culture repose sur la querelle permanente de ses représentants.
Notre rapport à la littérature reconnaît implicitement une telle dimension pugilistique, proprement romantique ; c’est la règle du winner takes all. Pierre Bourdieu et Harold Bloom ont été les théoriciens de cette difficulté de survivre en littérature, et de cette dynamique réelle de la littérature, bien différente d’un glissement naturel d’âges, qui fait se heurter d’une part les gloires littéraires acquises, pour qui l’urgence est de durer, d’autre part les aspirants à la gloire, qui savent qu’ils n’acquerront le droit de durer qu’en rejetant leurs prédécesseurs dans le passé.
Sportifs, escrimeurs, prisonniers : ce sont plusieurs figures, au sens de Roland Barthes, de cette agonistique motrice de la vie littéraire entre la Restauration et le Second Empire, qui seront envisagées tout au long du cours.
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