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LE DIABLE : Parce que, moi aussi, tout comme toi, je souffre du fantastique et c'est pour ça que j'aime votre réalisme terrestre. (…)
IVAN : La philosophie qui te reprend ! marmonna haineusement Ivan. (...)
LE DIABLE : Sans critique, il n’y aura que ‘’l’hosanna’’. Mais, pour la vie, l’hosanna tout seul ne suffit pas, il faut que cet hosanna passe par les forges du doute, bon, et ainsi de suite, sur ce ton-là. Moi, remarque, tout ça, je ne m’en mêle pas, pas moi qui l’ai créé, pas moi qui en réponds. Bon, et donc, ils vous ont choisi un bouc émissaire, ils l’obligent à écrire dans la section critique, et c’est ça qui a fait la vie. Nous, on la comprend, cette comédie : moi, par exemple, j’exige purement et simplement qu’on m’anéantisse. Non, vis toujours, ils me disent, parce que, sans toi, il n’y aura rien. Si tout était raisonnable sur la terre, il ne se serait rien produit. Sans toi, il n’y aura aucun événement, et il faut qu’il y ait des événements. Et donc, je travaille, content ou pas, à ce qu’il y ait des événements, et je crée de l’irraisonnable sur ordre. Les gens prennent cette comédie pour quelque chose de sérieux, malgré toute leur indubitable intelligence. Là est leur tragédie. Bon, et ils souffrent, bien sûr, mais… mais, malgré tout, ils vivent réellement, pas dans le fantastique ; parce que c’est la souffrance qui est la vie. Sans la souffrance, quel plaisir on pourrait avoir - tout se transformerait en une espèce de prière sans fin : c’est saint, bien sûr, mais c’est barbant. Bon, et moi ? Moi, je souffre, et, malgré ça, je ne vis pas. Je suis un x dans une équation à plusieurs inconnues. Je suis une espèce de fantôme de vie qui a perdu tous les débuts et toutes les fins, et je finis par oublier moi-même comment je m’appelle. Tu rigoles… non, tu ne rigoles pas, tu t’es remis en colère. Tu es toujours en colère, toi, il te faudrait seulement de l’intelligence, et, là encore, je te répéterai que je donnerais toute cette vie de l’éther, tous les rangs et les honneurs juste pour m’incarner dans une marchande de cent vingt kilos et mettre des cierges au bon Dieu.
Lecture du chap IX, Livre XI, Quatrième partie, des Frères Karamazov de Dostoïevski, dans la traduction d’A. Markowicz.
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Le chapitre lu (dans la traduction Mongault) : fr.wikisource.org/wiki/Les_Fr...
Peinture : M-E. Nabe - qui, dit-on, n'aime pas beaucoup la traduction Markowicz - tant pis pour lui !
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