Serge Gainsbourg a écrit pour France Gall douze chansons* (dix entre 1964 et 1967, et deux autres en 1972).
En fin d’année 1963 sort le premier EP de France Gall, jeune chanteuse de 16 ans. L’accueil est très prometteur. Son équipe, parmi laquelle son père, le parolier Robert Gall, décide, afin de la démarquer des autres vedettes de l’époque, de constituer pour la jeune fille un répertoire de chansons originales. Pas question de chanter des adaptations des succès anglais et américains, comme le faisaient, la majeure partie du temps, les autres idoles. Denis Bourgeois, son producteur, décide de mettre en route une collaboration qui s’avèrera être prodigieusement bénéfique pour ses deux protagonistes : France Gall et Serge Gainsbourg.
À cette époque, pour Serge Gainsbourg, les rentrées sont maigres. Hormis un succès modeste pour l’un de ses 45 tours, sa carrière de chanteur n’a jamais décollé, et ses prestations scéniques se sont soldées par de terribles échecs. Certes, sa réputation d’auteur-compositeur commence doucement à grandir, grâce à ses collaborations avec Juliette Gréco, entre autres. Mais tout cela reste timide. Dès 1964, il offrira à France Gall en moyenne un titre pour chacun de ses disques. Pour la chanteuse, avec les chansons jazzy et quelques autres qu’elle affectionne particulièrement, les chansons que Serge Gainsbourg lui a écrites comptent parmi ses préférées. Et de toutes celles qu’elle aura interprétées durant sa première partie de carrière, elles le resteront jusqu’à la fin de sa vie. C’est ainsi qu’elle choisira personnellement de proposer Poupée De Cire, Poupée De Son pour sa participation au Concours Eurovision : un choix qui consacrera le duo et le fera entrer dans l’histoire de la chanson. La reconnaissance est internationale, la jeune fille parcourt le monde, et Serge Gainsbourg, enfin, devient incontournable.
Leur collaboration se poursuivra encore pendant quelques années. En 1966, après le succès du titre Baby Pop, France Gall avait enregistré Les Sucettes : l’histoire d’une petite fille qui aime les sucettes à l’anis, et partage son temps entre ces friandises, et des excursions à l’épicerie afin de se réapprovisionner. À cette époque encore très puritaine et où les tabous sont nombreux, France Gall, 18 ans, enregistre ce titre à double-sens en toute innocence, sans se douter que, pour une partie du public, ce serait cette deuxième lecture, à laquelle elle ne prête pas d’attention, qui primerait. Elle avouera plus tard avoir beaucoup souffert de cet épisode qui bouleversa complètement son rapport à la gente masculine et projettera d’elle une image très éloignée de son tempérament. Lorsqu’en 1967, de son 13ème EP, les radios préfèreront Bébé Requin, écrite par Joe Dassin, à Teenie Weenie Boppie, écrite par Gainsbourg, le duo décide de marquer une pause : point de rancœur, mais ils considèrent tous deux qu’ils ont “fait le tour”. L’année suivante, France Gall quittera sa maison de disques et changera complètement d’équipe. Après quelques années plus laborieuses, elle retrouvera Serge Gainsbourg pour l’enregistrement d’un 45 tours 2 titres, en 1972. Mais le succès n’est plus vraiment au rendez-vous. Il ne reviendra pour France Gall qu’en 1974, pour ne plus jamais la quitter. C’est sa rencontre avec Michel Berger qui marquera ce nouveau tournant. Dès lors, elle ne chantera plus jamais d’autres auteurs-compositeurs que celui-ci, et tournera complètement la page de son répertoire d’adolescente. Lors de son dernier concert en 1997, elle reprendra pour la première et dernière fois un titre que lui avait écrit Serge : après avoir envisagé et répété Baby Pop, elle retiendra finalement Attends Ou Va-T’En, qu’elle choisira de mettre à l’honneur par une sortie single et une rotation télé. France Gall ensuite se retirera de la scène et ne chantera plus jamais.
Notons que France a également repris deux titres écrits par Serge : Je Suis Venu Te Dire Que Je M’En Vais lors d’une émission de radio dans les années 70, ainsi que Sous Le Soleil Exactement en duo avec le chanteur Marc Lavoine à la télévision, en 1993.
Enfin, parmi les inconnues, il y a ce Bloody Jack sorti des cartons en 2003 : un titre hybride enregistré en 1967, composé de la mélodie et des arrangements de Teenie Weenie Boppie, couplés au texte qu’avait popularisé Zizi Jeanmaire. Il y a aussi ce projet de EP en duo Gall/Gainsbourg dont on ne sait toujours pas à quel endroit il a été interrompu (écrit? enregistré? produit ?) et qui devait contenir la chanson “Qui Se Souvient De Caryl Chessman” et peut-être “Dents De Lait, Dents De Loup”.
* N’Écoute Pas Les Idoles • Laisse Tomber Les Filles • Poupée De Cire, Poupée De Son • Attends Ou Va-T’En • Nous Ne Sommes Pas Des Anges • Baby Pop • Les Sucettes • Dents De Lait, Dents De Loup (duo F. Gall/S. Gainsbourg, Inédit en disque • Néfertiti • Teenie Weenie Boppie • Frankenstein • Les Petits Ballons (sur une musique de Jean-Claude Vannier)