QUEL EST LE LIEN ENTRE ME, COEUR ET ESPRIT ?
Que ce soit en arabe ou en français, les mots âme (nafs) ou esprit (rouh) sont parfois utilisés de manière interchangeable, ce qui peut apporter de la difficulté à comprendre ce que représentent ces termes et la relation qui peut exister entre les deux.
Ce que l’on appelle “nafs” en arabe renvoie à l’âme dans le sens de l’ego, de la perception humaine que l’on est indépendant de Dieu. Il s'agit de la version de l’être humain qui, au début de son cheminement, aspire à elle-même, qui se regarde et s’admire. Son attention est tournée exclusivement vers le “moi”.
Le “rouh”, que l’on traduit par “esprit” est aussi une entité de l’être humain, mais il s’agit de la partie de nous qui a son attention exclusivement dirigée vers Dieu, qui n’aspire qu’à Dieu. Ainsi, s’il y a parfois une confusion, c’est parce le “nafs”, l'âme, après avoir cheminé, parvient à joindre l’esprit, à se fusionner avec lui.
Afin de comprendre et de visualiser ce que cela signifie, nous pouvons nous intéresser à une histoire vraie qui peut aussi être utilisée comme parabole du cheminement spirituel, celle de notre Maître et Prophète Joseph (que Dieu continue de nourrir son être et notre connexion à lui). Trois protagonistes interviennent dans ce récit : Joseph, le roi et la femme du roi.
La femme du roi représente l’âme, le “nefs” à l’état brut, avant qu’elle n’entame un travail sur elle-même. Elle possède les qualités de l’âme que nous appelons aussi “âme figée” : elle se est possessive, jalouse, menteuse, maléfique. Elle aime Joseph, mais pour les mauvaises raisons, et de la mauvaise façon. Elle le veut pour elle-même, et se montre prête à tout, sans jamais craindre son Seigneur. Joseph, lui, est l’esprit. Il aspire à Dieu et vit dans la conscience de son Seigneur. Quant au roi, il est le cœur. Car si un roi est sur un trône physique, celui qui est sur le trône de notre être durant notre cheminement spirituel, c’est notre cœur.
Au début de l’histoire, le roi voit la vérité, on lui présente même des preuves de l’innocence de Joseph. Malgré cela, il reste manipulé par la femme et lui obéit aveuglément, de la même manière que notre coeur est manipulé par notre ego et lui obéit sans résistance au début de notre cheminement. Il envoie le Prophète Joseph dans une prison lugubre et sombre. Et c’est bien là que se trouve l’esprit (qui n’est autre que le dépendant, le pauvre (faqir), le prophète en nous) avant de cheminer : emprisonné, jeté dans un trou au fond de nous.
Ainsi, le cheminement spirituel consiste à faire sortir du trou dans lequel on l’a jeté l’esclave de Dieu en nous (notre esprit) pour le faire s’asseoir sur le trône de notre cœur. Il s'agit d’enseigner à notre âme comment s’aimer elle-même pour Dieu, et non pas pour elle-même. Et il s’agit bien d’un chemin. Car Joseph n’est sorti de la prison que lorsque la reine a fini détrônée, vieillie, enlaidie, aveugle et même mendiante. De la même manière, notre âme doit perdre son arrogance et réaliser son besoin de Dieu pour que cette libération de l’esprit puisse s’opérer en nous.