Témoignage de Carla Del Ponte: Tensions avec Kagame et les Enquêtes sur les Crimes du FPR au Rwanda. Le dix sept mars deux mille quatorze, un témoignage d’une importance capitale a été enregistré au Palais Wilson, siège du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme à Genève. Il s’agit de celui de Carla Del Ponte, procureure générale du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) à partir d’août 1999, également en charge du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie. Ce témoignage de trente minutes, présenté lors d’un colloque organisé par le Club Démocratie, révèle avec une rare franchise les difficultés rencontrées et les réalités complexes de la justice internationale.
Del Ponte décrit d’abord les défis logistiques rencontrés, tels que le manque d’accès aux fosses communes au Rwanda et les restrictions imposées par le gouvernement rwandais. Ces obstacles logistiques étaient aggravés par des contraintes de voyage et de sécurité, rendant les enquêtes sur le terrain particulièrement ardues. De plus, la nécessité de réorganiser l’Office du Procureur pour mieux cibler les hauts responsables politiques et militaires souligne les lacunes structurelles initiales du tribunal.
Le témoignage met en lumière une justice internationale souvent incomplète et biaisée. Bien que le TPIR ait réussi à condamner plusieurs hauts responsables du génocide, Del Ponte exprime sa frustration face à l’impunité persistante des responsables du côté tutsi. Cette impunité est accentuée par le refus de coopération des autorités rwandaises lorsqu’il s’agissait d’enquêter sur les crimes commis par le FPR (Front Patriotique Rwandais). Les révélations de Del Ponte sur les enquêtes ouvertes contre le FPR, qui ont été systématiquement entravées, sont particulièrement accablantes.
Del Ponte raconte également ses interactions tendues avec le président rwandais Paul Kagame, illustrant un changement notable dans l’attitude de ce dernier. Initialement modeste, Kagame adopte progressivement une posture plus autoritaire et distante, reflétant les tensions croissantes entre le TPIR et le gouvernement rwandais. Ce changement d’attitude symbolise les difficultés rencontrées par Del Ponte pour mener à bien ses enquêtes sur les crimes commis par le FPR.
Un aspect crucial du témoignage de Del Ponte est la pression politique exercée par les grandes puissances, notamment les États-Unis et la Grande-Bretagne. Del Ponte révèle comment ces pressions ont influencé les décisions du Conseil de Sécurité de l’ONU, souvent au détriment d’une justice véritablement impartiale. Cette dimension politique illustre les limites et les défis de la justice internationale, souvent subordonnée à des intérêts géopolitiques. Les révélations sur les tractations politiques pour empêcher le renouvellement de son mandat en tant que procureure générale sont particulièrement révélatrices.
Le contraste saisissant entre les conditions de détention des accusés et celles des victimes est un autre point critique soulevé par Del Ponte. Les détenus, bénéficiant de conditions de vie confortables et d’un traitement de faveur, contrastent fortement avec les conditions misérables des victimes. Cette inégalité flagrante souligne une injustice systémique et un manque de sensibilité envers les souffrances des victimes du génocide.
En conclusion, le témoignage de Carla Del Ponte est un document poignant et essentiel pour comprendre les complexités et les défis de la justice internationale. Sa franchise et son dévouement à la vérité offrent une perspective rare et précieuse sur le fonctionnement interne du TPIR et les obstacles qu’il a dû surmonter. Ce témoignage met en lumière les tensions politiques, les défis logistiques et les inégalités inhérentes au système de justice internationale. Il constitue un appel à une justice plus complète et impartiale pour toutes les victimes des atrocités commises au Rwanda.
Ce témoignage laisse une empreinte durable, non seulement dans les annales de la justice internationale, mais aussi dans les cœurs de ceux qui cherchent la vérité et la justice.