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LA CLEF DE VOÛTE. Les « Compagnons du Crépuscule », l'autre œuvre magistrale de François Bourgeon, à côté des « Passagers du Vent », est la meilleure bande dessinée médiévale jamais écrite et dessinée.
Voyage initiative, quête onirique, entre légende et histoire, tragédie bouleversante, les « Compagnons du Crépuscule », c'est d'abord la peinture d'un univers tel que les contemporains devaient se le représenter au Moyen Âge. Une France dévastée par la guerre, la campagne battue par les compagnies d'écorcheurs, la légende qui nait à l'orée de la forêt, les mythes de sirènes, de vouivres, de dhuards.
Bourgeon a accompli sur cet album un travail immense de recherche, pour offrir au lecteur une expérience à nulle autre pareille, une plongée dans un univers qui semble authentique.
Le travail sur le dessin, les décors et les vêtements est d'un réalisme époustouflant. Rien n'est laissé au hasard: chaque bâtiment, chaque rue, chaque décor, chaque élément de costume, est le fruit d'une recherche approfondie de la part de Bourgeon. La qualité du dessin, à l'aquarelle toujours, est évidemment à la mesure du talent de l'auteur. Les lecteurs des « Passagers du Vent » seront en terrain connu, les autres seront à n'en pas douter émerveillés par la maestria de l'un des plus grands dessinateurs de notre époque.
Le travail sur les personnages, riches et complexes, est d'une telle justesse qu'on jurerait qu'ils ont réellement existé: le Chevalier, le visage et l'âme défigurés, rescapé de la Guerre de cent ans, en quête de rédemption, la Mariotte, l'aventurière, joli brin de fille, sauvageonne et pleine de vie, l'Anicet, le vilain un peu niais, devenu écuyer malgré lui. Trois figures magnifiques autour desquels gravitent une myriade de personnages secondaires fascinants.
Le travail sur les dialogues est magnifique. Bourgeon voulait que ses personnages aient un langage d'époque. Il s'est retrouvé confronté à un problème: s'il avait, comme il le souhaitait au départ, fait parler ses personnages en vieux français, personne n'aurait rien compris. Alors, son langage "médiéval", il l'a inventé! De façon à ce qu'il "sonne" d'époque, tout en étant parfaitement compréhensible pour un lecteur d'aujourd'hui. Chapeau bas, le maître Bourgeon a réussi l'impossible. L'immersion est totale.
Poétique, juste, envoûtant, cruel, merveilleux, les superlatifs ne vous manqueront sans doute pas lorsque vous aurez achevé, à votre tour, la lecture de cette fabuleuse tragédie médiévale. Voilà bien le genre de bandes dessinées inoubliables qui tendent à nous rendre ensuite terriblement exigeants. Il y a un "avant" et un "après" « Les Compagnons du Crépuscule », assurément.