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Reportage exclusif de la Revue du Vin de France sur Via Caritatis.
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À l'abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, au pied du mont Ventoux, en Provence, les moines bénédictins se sont associés aux vignerons locaux pour élaborer des vins de grande qualité. Philippe Cambie, le plus célèbre œnologue de Châteauneuf-du-Pape, accompagne le projet.
Le moine bénédictin vit comme le veut Saint-Benoît. Sa devise est Ora et labora, "prie et travaille". Le travail lui-même est une prière. La vigne a toujours été dans la culture judéo-chrétienne le grand symbole de l'amour de Dieu pour les hommes. Pour un moine, œuvrer dans la vigne, c'est de nouveau retrouver le Seigneur.
Toute la journée du moine bénédictin est sans cesse équilibrée entre la prière et le travail. Nous avons un horaire de travail communautaire et un temps conséquent dédié à la prière. Cela nous occupe du matin au soir. Par exemple, ce matin, nous étions en train de prier à trois heures et demie. Les journées commencent ainsi par un climat de prière, d'étude contemplative. Et à travers nos horaires de prière viennent s'intercaler les horaires de travail.
L'implantation du vignoble au Barroux remonte à une quarantaine d'années. L'abbaye Sainte-Madeleine du Barroux a acquis des parcelles de vignes grâce à une succession de rencontres, et grâce aux voisins. Certains des frères qui ont rejoint la communauté étaient des professionnels du monde du vin. La somme des compétences des frères, qui viennent d'un peu partout, a permis de développer et d'exploiter la vigne.
Père Louis-Marie, abbé de l'abbaye Sainte-Madeleine du Barroux :
"Le travail manuel a été prévu par Dieu, non seulement pour cultiver la terre, pour lui faire donner son fruit, mais aussi pour aider l'homme à se développer. La vertu générale la plus importante pour les moines, c'est le retour au réel. Il est important d'avoir un contact avec le réel grâce au travail manuel. Grâce aux travaux de la vigne, le moine développe les vertus de force, de patience et de persévérance."
Sébastien Carme, vigneron :
"J'ai rencontré le père en charge de la viticulture, il y a de cela quelques années. On a discuté de l'avenir de la viticulture dans la région. Le problème est que l'activité viticole n'est aujourd'hui quasiment pas rentable dans cette partie de l'appellation Ventoux. Nous travaillons en zone de montagne, avec des coûts de production élevés. Aussi, nous perdons des surfaces et les jeunes vignerons se raréfient. De fait, des entreprises rachètent les terres on perd un peu de notre identité.
On s'est dit qu'il fallait vraiment valoriser notre vin, suffisamment pour qu'on puisse envisager de produire correctement. C'est ça, le projet des moines et des vignerons ! Mais c'est un gros projet. Et ça demande de gros changements. Imaginer qu'on puisse vendre des vins dans des gammes tarifaires qu'on n'a jamais explorées jusqu'à présent, avec une image monastique, c'est un concept qui peut être difficile à faire avaler ! On peut comprendre que ça puisse faire peur à certains."
Daniel Haïlé, maitre de chai :
"On vient juste de recevoir le raisin de Via Caritatis. Toutes les parcelles mises à contribution pour le projet Via Caritatis sont vinifiées à part. Depuis que nous collaborons avec les moines, beaucoup de choses ont changé. Nous avons désormais des professionnels sur place qui veillent à une meilleure qualité de raisins.
Les vignerons, les moines et les moniales se sont retrouvés sur un projet de haute couture au vignoble. Nous avons réalisé un "travail en vert". Le but est d'aérer les pieds de vigne pour améliorer la maturité des raisins, alléger les charges et ainsi obtenir une bonne ventilation sous les pieds.
Le plus célèbre œnologue de Châteauneuf-du-Pape Philippe Cambie conseille les moines et les vignerons sur ce projet.
Philippe Cambie :
"Les atouts du terroir du Barroux sont également ses inconvénients. Le terroir est en altitude, ce qui apporte beaucoup de fraîcheur aux vins, avec du fruit et une belle élégance. Mais une viticulture en altitude implique une vigilance accrue sur la vinification et la gestion de culture. Pour les gens qui aiment le vin il faut reconnaître que la religion catholique a permis un développement de la viticulture dans tout le bassin méditerranéen. Les moines ont été les premiers porteurs de la vigne et de la culture de la vigne à travers le monde. Lorsque les moines m'ont proposé de les aider, j'ai accepté. Pour moi, c'est aussi une manière d'épouser un pan de notre culture."
Les moines du Barroux commercialisent une caisse de 6 vins, composée de cinq bouteilles issues du travail commun des moines, des moniales et des vignerons, et d'une bouteille exclusivement élaborée par les moines.